Encore une histoire vraie tirée de mes pérégrinations halieutiques avec mon ami d'enfance Alexandre.
Adolescents, nous partions souvent, à vélo, puis ensuite à mobylettes, pêcher les rives du Cher, rivière qui coulait aux abords de Montluçon, là où nous habitions alors!
Ce matin d'ouverture, nous avions décidé d'aller pêcher le secteur de Lavault St Anne où on pouvait espérer, au vairon casqué, de prendre une truite ou deux.
Je ne me rappelle pas si le secteur était en première ou en deuxième catégorie, mais je me rappelle du Cher assez large et profond à cet endroit
En début de matinée, nous avons commencé à pêcher et sommes passés à côté d'un ancien moulin transformé alors en boîte de nuit réputée à cette époque dans le "pays": le Moulin Bréchaille.
En fait, comme tout moulin, il est situé pas loin de l'eau. Mais la propriété, à cette époque du moins, n'était pas "protégée". Aucun panneau, aucune barrière, aucune clôture. En venant de l'aval, en pêchant, vous vous retrouviez dans l'enceinte du domaine sans vous en rendre compte.
A l'aller, en début de matinée, aucun souci.
Nous avons pêché quelques heures. J'ai le souvenir de quelques truites de prises, mais rien d'extraordinaire.
C'est au retour que les choses se sont gâtées.
Nous avions plié le matos et étions en train de revenir à notre point initial où nous avions laissé nos mobylettes.
En passant dans le domaine, on aperçoit une petite voiture garée devant l'entrée du moulin. Je ne me rappelle plus de la marque, une super 5 peut-être. Il y avait deux molosses à l'intérieur qui se sont mis à aboyer en nous aperçevant et à faire bouger la voiture comme un simple jouet.
Je n'ai eu que le temps de dire à Alexandre: "heureusement que la portière est fermée". A peine la phrase terminée que la portière, apparemment mal fermée, sous les coups de boutoirs des chiens, s'est ouverte en grand, laissant apparaître deux Bergers Allemands qui se sont immédiatement lancés à notre poursuite.
Nous étions à peu près à une trentaine de mètres de la rivière, et les chiens étaient à peine plus loin de nous que ca!
Sans se concerter, sans un mot, nous avons immédiatement entamé un sprint dans l'espoir de sauver notre peau, car on savait très bien qu'on risquait de grosses emmerdes si les chiens nous rattrapaient avant qu'on ai pu atteindre le Cher.
Je revois Alexandre partir sur ma gauche, et moi, bifurquer incensiblement sur ma droite. Je revois encore les deux chiens derrière moi, qui avaient apparemment décidé que je serais le premier à être bouffé!
Je me revois, quelques mètres (qui me parurent une éternité) avant l'eau, me retourner, et foutre un coup de canne, tout en courant, sur la truffe du premier chien qui me suivait à quelques dizaines de centimètres, juste de quoi le ralentir quelques secondes, et pour moi le temps d'arriver au mur de roseau me séparant de l'eau salvatrice!
Et là, bien sur, le réflexe logique aurait du me conduire à sauter à pieds joints dans la flotte, par delà le mur de roseaux!
Et bien non, allez savoir pourquoi, j'ai voulu me prendre pour Johnny Weissmuller en faisant un plongeon risqué!
En effet, je ne savais pas si j'allais me retrouver dans assez d'eau pour ne pas planter ma tronche directement dans le sable au fond de l'eau, ou pire, sur un cailloux
Heureusement pour moi, l'endroit était profond!
J'ai le souvenir de la froideur de l'eau (bah ouaih, le cher au mois de mars, ca caille!), de cette remontée à la surface, et de ma dérive dans le courant, sur plusieurs dizaines de mètres, avant de m'accrocher à des herbes le bord de la berge!
Mon premier réflexe a alors été de chercher mon pote Alexandre.
Lui bien sur, vu que les chiens avaient bifurqué tous les deux de mon côté, avait eu le temps de rentrer dans l'eau en remontant son pantalon, pour éviter de le mouiller (nous avions des bottes). Je revois le chien rentrant dans l'eau derrière lui et essayant de lui niaquer les fesses, juste avant de voir les propriétaires du moulin, de la voiture, et des chiens, arriver en courant, attirés par les aboiements de leurs molosses!
Ils m'ont récupéré avec une perche tendue, après que la femme ait enfermé les chiens dans le moulin!
Je revois aussi le séchage en règle au coin du feu auquel j'ai eu droit, et les affaires de rechange qu'ils m'ont prêtées!
Ils étaient pas fiers, car ils savaient qu'ils étaient en torts: en effet, la propriété n'était pas délimitée, ni fermée, ni indiquée par un quelconque panneau et ils avaient laissé sans surveillance deux chiens très dangereux, dressés pour attaquer!
Ils nous ont dit d'ailleurs qu'on avait eu le bon réflexe en se jettant dans l'eau, sinon les Bergers nous auraient bouffés!
Et voilà comment une partie de pêche avec mon pote Alex s'est encore transformé en évènement, comment dire, "particulier", nous faisant à tous les deux un autre souvenir ancré dans nos mémoires à jamais, même si ce souvenir, on aurait bien aimé ne pas l'avoir!